L’AVION DE VOLTIGE INTEGRAL R D’AURA AREO – Source : Challenges – National – 8 février 2021
Après avoir développé un petit avion de voltige, bientôt décliné en version électrique, la start-up toulousaine travaille sur un avion de transport régional 100% électrique. Le fonds de capital-risque Innovacom vient d’annoncer son entrée au capital.
Toulouse, morne plaine de l’aéronautique ? Pas si sûr. Malgré la crise du Covid et les plans sociaux à foison dans la filière, la capitale française de l’aviation en a encore sous la semelle. Un exemple ? La start-up Aura Aero, installée sur l’ancienne base aérienne de Francazal. Après avoir développé un petit avion de voltige, Intégral R, en seulement deux ans, cette jeune pousse lancée par des anciens d’Airbus a annoncé lundi 8 février l’entrée à son capital du fonds de capital-risque Innovacom. L’investissement, dont le montant n’a pas été dévoilé, servira à boucler le développement d’une version dédiée aux écoles de pilotage (Integral R), et de décliner l’appareil de deux places dans une version électrique appelée Integral E. Le constructeur a déjà récolté une centaine de commandes pour ses avions Integral, dont quatre fermes, avec un prix d’achat de l’ordre de 300.000 euros.
L’entrée au capital d’Innovacom, qui devrait être suivie, dès cette année, d’une levée de fonds de plusieurs dizaines de millions d’euros, permettra également d’entamer le programme-clé de la start-up toulousaine : un avion de transport régional de 19 places, 100% électrique, que le groupe veut développer avant la fin de la décennie. « Il y a un travail d’industrialisation important à faire, mais nous sommes confiants sur le fait de pouvoir développer cet avion dans les 6 à 7 ans qui viennent », indique Jérémy Caussade, ancien d’Airbus et fondateur du groupe, aux côtés de Fabien Raison (également ex-Airbus) et Wilfried Dufaud (ancien d’Assystem).
Le groupe dispose déjà d’un bureau d’études et d’une usine sur le site de l’ancienne base de l’armée de l’air à Francazal, avec accès direct aux pistes de l’aéroport. Il inaugurera en mars une usine d’assemblage, qui lui permettra de faire passer ses locaux de 2.000 à 3.500m2. « Avec son écosystème, Toulouse est le meilleur endroit au monde pour faire des avions, assure Jérémy Caussade. La crise du Covid laisse sans activité des profils remarquables, que nous sommes en train d’embaucher. » Aura Aéro va ainsi passer de 40 salariés aujourd’hui à une centaine l’année prochaine.
Concurrence rude
La jeune pousse française n’est évidemment pas seule sur le créneau. L’américain Ampaire multiplie les vols de son avion hybride-électrique. La start-up suédoise Heart Aerospace annonce un avion de 70 places pour mi-2026. L’américain Wright Electric travaille avec easyJet sur un avion électrique de près de 200 places à l’horizon 2030. Signe de la difficulté de la tâche, un des favoris de la course, l’américain Zunum Aero, s’est pris les pieds dans tapis, et a été mis en sommeil. La start-up toulousaine ne manque pas d’arguments. « Ses fondateurs sont des anciens d’Airbus, spécialistes du numérique et familiers de la gestion de programmes aéronautiques, souligne Jérôme Faul, président d’Innovacom. Ils ont tous les
atouts pour faire ce qu’a réussi Tesla : prendre une vieille industrie et la révolutionner grâce au numérique. » Elle peut aussi compter sur des locaux de bonne taille, à un coût modeste, à Francazal, et sur un écosystème toulousain impressionnant, avec l’Onera, le laboratoire public de l’aérospatial, deux avionneurs (Airbus et ATR), l’Isae-Supaero et des centaines de sous-traitants aéronautiques.
Aura lui-même a déjà montré de sacrées qualités. Lancée en 2018 avec le soutien d’une quarantaine de business angels, la start-up a réussi à faire voler son premier avion, l’Integral R, en juin 2020, soit en moins de deux ans. L’appareil, doté d’une structure bois-carbone, devrait être certifié cette année, pour une première livraison attendue fin 2021. « Nous avons choisi de commencer par une version à moteur thermique pour traiter le besoin du marché à court terme, et mettre en place notre structure et notre outil de production », explique Jérémy Caussade. La version électrique est déjà bien avancée : elle devrait voler dès 2022. L’avionneur toulousain prévoit deux ans de tests en vol pour obtenir la certification, et une première livraison vers 2024.
Cinq armées intéressées
La start-up ne cache pas son ambition. Elle prévoit d’assembler 30 avions en 2022, puis une cinquantaine en 2023, avec l’objectif d’atteindre 80 à 100 livraisons annuelles au rythme de croisière. L’avionneur toulousain vise les clubs de voltige aérienne, les écoles de pilotage civiles, mais aussi les écoles de pilotage militaires. « Nous sommes déjà en discussion avec cinq armées », indique Jérémy Caussade. L’armée de l’air française pourrait être intéressée : elle réfléchit actuellement au remplacement de ses avions de formations Cirrus SR-20, des avions américains détenus par un groupe chinois, et de ses avions allemands Grob 120.
Le programme d’avion de transport régional, dont le lancement officiel est prévu en mars, sera le deuxième étage de la fusée. Aura Aero vise un avion de 19 places, avec un rayon d’action de 300 à 500km dans un premier temps, puis plus de 900km. Aura estime le coût de ce projet à plusieurs centaines de millions d’euros, dont les premières dizaines de millions devraient être levées cette année auprès d’acteurs privés et publics. L’avionneur vise des exploitants de lignes aériennes régionales, qui ne nécessitent pas de gros avions. Le choix du moteur n’est pas encore arrêté, mais Safran figure parmi les favoris.
